18 Mar 2020
CORONAVIRUS : MON EMPLOYEUR PEUT-IL M’IMPOSER DE VENIR SUR MON LIEU DE TRAVAIL ?
Nombre de salariés se voient obligés de se rendre sur leur lieu de travail, parfois sans mesure de protection particulière ou renforcée, et se retrouvent ainsi dans la crainte grandissante d’être exposés au coronavirus.
Etes-vous en droit de vous y opposer ?
Obligation de sécurité.
L’employeur est tenu, vis-à-vis de ses salariés, d’un devoir de protection de leur santé et de leur sécurité au travail (article L4121-1 du Code du travail). Il est important de souligner que l’employeur ne doit pas seulement diminuer le risque, mais il doit l’empêcher. En effet, cette obligation est une obligation de résultat.
Droit de retrait.
Face au risque d’infection par le coronavirus et alors même que les mesures de distanciation sociale sont indispensables pour éviter toute contamination, le salarié peut exercer son droit de retrait.
Le droit de retrait, prévu à l’article L4131-1 du Code du travail, permet à un salarié d’arrêter son travail et de quitter son lieu de travail, après en avoir alerté son employeur, s’il estime être confronté à un danger grave et imminent ou constate un dysfonctionnement des systèmes de protection.
Il suffit donc que le salarié se considère potentiellement menacé par un risque d’accident ou de maladie pour exercer son droit de retrait. Dès lors, le sentiment d’insécurité et la bonne foi du salarié suffisent à légitimer l’exercice du droit de retrait.
L’alerte préalable du salarié peut être verbale. Aussi, toute clause issue du règlement intérieur qui imposerait une alerte écrite serait illégale.
Cependant, pour des raisons probatoires, il est fortement recommandé d’exercer son droit de retrait, par écrit.
En exerçant régulièrement ce droit, le salarié ne s’expose à aucune sanction ni retenue sur salaire.
Faute inexcusable.
Si l’employeur ne respecte pas son obligation de sécurité, il s’expose à une condamnation pour faute inexcusable.
Aux termes de l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale, la faute inexcusable suppose de démontrer que l’employeur :
- avait ou aurait dû avoir conscience du danger encouru par le salarié ;
- et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver.
Si la faute inexcusable est retenue, le salarié peut prétendre à une majoration de son capital ou de sa rente et à l’indemnisation de ses préjudices.
Toutefois, dans l’hypothèse où l’employeur aurait connaissance d’un salarié infecté au sein de l’entreprise et donc susceptible de constituer une source de contamination pour les autres, le fait de s’opposer au droit de retrait d’un salarié craignant d’être contaminé n’exposerait-il pas l’employeur à des sanctions ?
Si à ce jour, les français restent autorisés à se rendre sur leur lieu de travail lorsque le télétravail est impossible, n’appartient-il pas, en tout état de cause, à l’employeur, au regard de son obligation de sécurité, de limiter voire d’interdire l’accès à ses locaux, dès lors qu’un tel accès est susceptible de compromettre la santé de ses salariés ?
En effet, nul n’ignore qu’à ce jour, le dispositif de protection par l’usage de masques et des gants est illusoire compte tenu de la pénurie actuelle, de sorte qu’il est quasiment impossible pour l’employeur d’assurer une protection physique de tous les salariés et un respect strict des « gestes barrière ».
Dans un tel contexte, face à l’opposition de certains employeurs de faire droit à une demande de retrait, d’aucuns s’interrogent sur l’applicabilité des dispositions pénales relatives à la mise en danger d’autrui.
En effet, l’article 223-1 du Code pénal dispose que : « le fait d’exposer directement autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente, notamment par la violation délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende ».
Même si le coronavirus peut avoir, pour de nombreux patients, des conséquences dramatiques, dans les faits, la caractérisation de ce délit n’est pas des plus aisée, notamment en ce que le Code pénal impose de démontrer une violation manifestement délibérée d’une obligation particulière de prudence ou de sécurité.
Néanmoins, le Code du travail prévoit des dispositions pénales venant sanctionner le non-respect par l’employeur de son obligation générale de sécurité, lesquelles dispositions pourraient le cas échéant être mises en œuvre.
Le présent article n’est pas exhaustif, d’autres dispositions du Code du travail et du Code pénal étant susceptibles de s’appliquer.
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